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Et si l’intestin des chevaux était aussi leur 2nd cerveau ?

Et si l’intestin des chevaux était aussi leur 2nd cerveau ?

Santé

Stratégies pour prendre soin de leur intestin et de ses habitants. D’après le best-seller de la jeune doctorante allemande Julia Giulia Enders, Le charme discret de l’intestin, les dernières découvertes sur cet organe sous-estimé sont stupéfiantes !


D’après le best-seller de la jeune doctorante allemande Julia Giulia Enders, Le charme discret de l’intestin, les dernières découvertes sur cet organe sous-estimé sont stupéfiantes ! L’auteur, avec beaucoup d’humour, explique le rôle que jouent notre « deuxième cerveau » et son microbiote (l’ensemble des organismes l’habitant) dans des problèmes tels que le surpoids, la dépression, la maladie de Parkinson, les allergies, et leur potentiel rôle sur nos caractères profonds !

Et si ces dernières avancées scientifiques, prouvées chez l’homme et d’autres espèces animales, avaient aussi du sens chez les équidés ?

Petits rappels sur l’anatomie et la fonction digestive du cheval

Le cheval est un herbivore monogastrique pourvu d’un estomac réduit et d’un intestin bien développé comprenant deux parties : l’intestin grêle et le gros intestin.

L’estomac et ses sécrétions gastriques, vers un début de digestion. - L’estomac a une faible capacité (15-18L) et ne représente que 7% du volume total de l’appareil digestif. Il ne se remplit qu’au 2/3 et se vidange au fur et à mesure de la consommation d’aliments. A la fin de chaque repas, il se ferme de manière étanche, empêchant toute possibilité de vomissement. La digestion gastrique ne concerne qu’une fraction limitée des constituants alimentaires, en particulier des fourrages. La cellulose peut subir un début de digestion comme les matières azotées sous l’effet des sécrétions de l’estomac. A noter, ces sécrétions gastriques sont principalement composées d’acide chlorhydrique (HCl), de pepsinogène et de mucus. Le cheval produit entre 10 et 30 L de suc gastrique par jour.

L’intestin grêle, une digestion enzymatique intense et brève. - L’intestin grêle est très long (16 à 24 m) mais le passage des aliments est très rapide, seulement 1 à 3 h. L’intestin grêle sécrète en continue de la bile (bien que le cheval ne possède pas de vésicule biliaire), des sucs pancréatiques et de manière discontinue des sucs intestinaux qui permettent toute la digestion des constituants alimentaires. Les sucres, le lactose et les matières azotées y sont en très grande partie digérés sous l’action des enzymes digestives pour fournir au cheval les nutriments énergétiques ou protéiques. 70 à 95% des sucres des fourrages et des concentrés, et de l’amidon des céréales, sont digérés dans l’intestin grêle. Les minéraux sont principalement absorbés au niveau de l’intestin grêle sauf le phosphore qui est absorbé partiellement à la fin de l’intestin grêle mais surtout au niveau du côlon.

Le gros intestin, une digestion microbienne lente. - Le gros intestin, compartiment le plus volumineux (de 180 à 220 L) est toujours plein. Il est composé du caecum, du gros colon, du petit colon et du rectum. Il contient les résidus enzymatiques des aliments qui y séjournent en moyenne 24 h. Il renferme une population microbienne riche et dense qui transforme, au cours d’un processus de fermentation, les constituants alimentaires non digérés dans l’intestin grêle en éléments nutritifs.

  • Composition de son écosystème digestif

Les principaux micro-organismes qui composent le gros intestin du cheval sont essentiellement des bactéries, majoritairement anaérobies strictes, des protozoaires et des champignons. Les principales bactéries identifiées sont des Streptococcus, Bactéroïdes et Lactobacillus. Cet écosystème microbien se met en place dès le plus jeune âge du cheval, dès sa naissance avec la colonisation microbienne du tractus digestif, stérile in utéro.

  • Rôle de cet écosystème

Comme dans toutes les espèces d’animaux herbivores, l’écosystème digestif est essentiel à la dégradation des constituants fibreux de la ration en nutriments énergétiques. Les fourrages, particulièrement riches en glucides pariétaux, principalement de la cellulose et des hémicelluloses, sont hydrolysés par les populations microbiennes du gros intestin. C’est plus particulièrement dans le côlon que ces sucres pariétaux sont dégradés en sucres simples qui sont successivement fermentés en acides gras volatils (AGV). Les AGV sont ensuite absorbés au niveau de la paroi intestinale et transportés via la circulation sanguine vers les différents tissus et organes et peuvent représenter jusqu’à 65% ou plus de l’énergie totale produite.

A savoir !
Les digesta de fourrage séjournent en moyenne 80% de leur temps dans le côlon sur la
totalité du tractus digestif (Miyaji, et al., 2008).

Outre ce rôle essentiel dans la digestion des fourrages, l’écosystème intestinal joue également un rôle majeur dans la santé digestive du cheval. Par exemple, lorsque les fourrages ne couvrent plus à eux seuls les besoins de l’animal, des aliments concentrés riches en glucides hautement fermentescibles (amidon, oligosaccharides,…) sont ajoutés à la ration. Lorsque la concentration d’amidon dans la ration quotidienne dépasse 2% du poids vif du cheval, la digestion anté-caecale de l’amidon étant saturée, une partie de l’amidon passe dans le gros intestin où il est alors fermenté (Julliand et al.,2006). Ceci engendre une forte augmentation de la concentration en AGV et en acide lactique, qui, lorsqu’elle devient importante, entraine une acidification de l’environnement microbien perturbant ainsi l’équilibre et l’efficacité des différentes flores bactériennes (Médina et al., 2002). Dans l’espèce équine, ces dysmicrobismes intestinaux ont été associés à l’apparition de pathologies telles que les coliques (Shirazi-Beechey, 2008) et les fourbures (Milinovich, et al., 2008).

Parmi les rôles importants de l’écosystème digestif du cheval, la fabrication des vitamines, la désagrégation des toxines et des médicaments et bien sûr la décomposition des aliments non digestibles en font partis. Et ce n’est pas tout !

Récemment, chez l’homme, il a été montré que 80% de notre système immunitaire était localisé dans notre intestin. L’ensemble des micro-organismes présents dans l’intestin travaillent ensemble et sans relâche pour lutter contre les bactéries pathogènes, les virus, les spores en les isolant dans la muqueuse intestinale et en les exterminant. Chez le cheval, il a été montré que son écosystème microbien avait également pour rôle de stimulant du système immunitaire spécifique de l’intestin, ce dernier ayant un impact direct sur l’immunité générale de l’animal.

Alors comment être aux petits soins de sa flore intestinale ?

Différentes stratégies de manipulations de l’écosystème digestif ont été étudiées chez le cheval adulte afin d’optimiser son fonctionnement et sa stabilité (Zeyner, 2010). Dans d’autres espèces et en particulier chez homme, il a été postulé que la mise en place de l’écosystème intestinal pendant la période postnatale aurait des conséquences sur la santé de l’individu adulte. Chez le bébé, une altération de la mise en place de l’écosystème peut entrainer une stimulation aberrante du système immunitaire associé à l’intestin conduisant ainsi à l’apparition d’allergies type eczéma et asthme (Conroy et al., 2009 ; Sjögren et al.,2009). Ces différences d’implantation des micro-organismes peuvent également conduire à des différences de composition microbienne qui persistent chez l’individu adulte.

Parmi les stratégies de manipulation de l’écosystème, on retrouve principalement les supplémentations orales en prébiotiques et en probiotiques. Ces derniers ont suscité un intérêt croissant pour les humains ainsi que chez les animaux, en raison de leur impact positif sur la santé et le bien-être. Dans l'alimentation du cheval, les pré et probiotiques sont principalement utilisés lors de perturbations intestinale de la microflore.

Les probiotiques « pour la vie »

Le terme probiotique signifie « pour la vie ». Sa définition a évolué au cours des dernières années et aujourd’hui il est couramment retenu la définition proposée par un comité d’experts en 2001 : "les probiotiques sont des microorganismes vivants qui, lorsqu'ils sont administrés en quantités adéquates confèrent un avantage pour la santé à l'hôte". Ils sont également connus sous le nom d’améliorateurs de digestibilité.

Il existe aujourd’hui différentes souches de micro-organismes définies comme probiotiques : des bactéries lactiques (espèces de Bifidobacterium, Lactobacillus, Streptococcus, Enterococcus et Lactococcus), des Bacillus, des champignons (Aspergillus) ou encore des levures (Saccharomyces, Kluyveromyces). Les probiotiques sont sous le contrôle de la réglementation européenne (1831/20013) pour les additifs autorisés en nutrition animale. Les probiotiques sont classés parmi les additifs zootechniques dans la catégorie « Améliorateur de digestibilité ». Seuls les probiotiques ayant fait l'objet d'une procédure d'autorisation conforme au règlement européen peuvent être mis sur le marché. Ces autorisations sont accordées pour des espèces animales spécifiques, des conditions d'utilisation spécifiques et des périodes de dix ans.

Seules les levures Saccharomyces Cerevisiae (SC) font l’objet une autorisation de mise sur le marché pour l’espèce équine en tant qu’améliorateur de digestibilité.

Différentes études ont étudié les effets d’une supplémentation en levures SC chez le cheval. Les principaux effets rapportés sont :

  • Amélioration de la qualité du lait de la mère et de la croissance du poulain
  • Meilleure valorisation de l’énergie d’origine alimentaire
  • Amélioration de la digestibilité des constituants alimentaires
  • Meilleure valorisation alimentaire
Les sucres Oligosaccharides comme prébiotiques

Les composés prébiotiques sont des ingrédients fermentés qui assurent des changements spécifiques, à la fois dans la composition et / ou l'activité dans la microflore gastro-intestinale qui confère des avantages au bien-être et la santé des hôtes (Gibson et al., 2004). Cette définition étend les effets de prébiotiques à l'ensemble du tube digestif alors qu'ils étaient initialement attribués au colon.

Les fructanes de type Inuline (b (2-1) fructanes) tels que l'inuline et l'oligofructose, également appelés fructooligosaccharide (FOS), le lactulose et les transgalacto-oligosaccharides (TOS) sont les trois oligosaccharides présentant des propriétés prébiotiques démontrées. Les Mannooligosaccharides (MOS), généralement dérivés de la paroi cellulaire externe de Saccharomyces Cerevisiae, sont d'autres sucres prébiotiques.

Différents effets bénéfiques d’une supplémentation en prébiotiques ont été montrés chez les chevaux :

  • Augmenter le nombre de bactéries lactiques, et particulièrement les Lactobacilli et les Bifidobacteria, au détriment des bactéries pathogènes comme Clostridium ou E. Coli. Il a notamment été prouvé une augmentation du nombre de bactéries Streptococci et utilisatrices de lactate dans l’estomac. Ces dernières augmentent ainsi le pH stomacal, contribuant à diminuer les risques d’ulcères gastriques (Nadeau et al., 2000).
  • Stimuler son système immunitaire. Par exemple, il a été montré les effets bénéfiques d’une supplémentation en MOS sur le statut immunitaire de juments gestantes et sur leurs foals. Les juments ayant reçu la supplémentation en MOS avaient des concentrations en IgG et IgA supérieures dans leur colostrum aux juments du groupe contrôle. Ces résultats suggèrent que la supplémentation en MOS à des juments gestantes permettrait d’améliorer le statut immunitaire du colostrum (Robertson Spearman, 2004).
  • Diminuer l’incidence des coliques.
L'avis de l'expert en nutrition

« Le microbiote intestinal est un environnement complexe impliquant des interactions étroites entre l'hôte et les micro-organismes, en particulier les bactéries. Chez les chevaux, le microbiote intestinal peut être modifié par divers facteurs, tels que les maladies gastro-intestinales, les changements de régime alimentaire, les régimes riches en amidon et pauvres en fibres, l'utilisation d'antibiotiques, l'anesthésie générale ou lors de situations stressantes. Récemment, il a été mis en lumière que l’exercice physique pouvait également modifier la structure du microbiote intestinal (De Almeda et al., 2016).

Nourrir sa flore c’est aussi nourrir son bien-être ! Une supplémentation en pré et probiotiques d’au moins 3 semaines est généralement conseillée pour avoir un effet bénéfique sur la flore intestinale. Différents produits de la gamme HORSE MASTER (Equiflora, PerformAid, Levure de bière) et de la gamme vétérinaire FEDVET (Digest-Aid AA) sont formulés à partir de levures SC ou de parois de levures. » conseille Justine Fortier Guillaume, docteur en nutrition équine et en physiologie de l’exercice.

Références bibliographiques

Conroy M., Shi H., Walker W. 2009. The long-term healtheffects of neonatal microflora . Curr Opin Allergy Clin Immunol, 9: 197-201.

De Almeda M.L., Feringer W.H., et al. 2016. Intense exercise and aerobic conditioning associated with chromium or L-carnitine supplementation modified the fecal microbiota of fillies. 11(12): e0167108. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0167108.

Gibson G.R., Prbert H. et al., 2004. Dietary modulation of the human colonic microbiota: uptating the concept of prebiotics. Nutr. Res. Rev. 17:259-275.

Julliand V. 2006. Pre- and probiotics : potentials for equine practice. Proceedings of the 3rd European Equine Nutrition & Health Congress, Ghent University, Merelbeke, Belgium. 17-18. Julliand V., de Fombelle, Varloud M. 2006.

Médina B., Girard I., et al., 2002. Effect of a preparation of Saccharomyces cerevisiae on microbial profiles and fermentation patterns in the large intestine of horses fed a high fiber or a high starch diet. J Anim Sci, 80: 2600-2609.

Milinovich G., Burrell P. et al., 2008. Microbial ecology of the equine hindgut during oligofructose- induced laminitis. The ISME Journal, 2: 1089-1100.

Miyaji M., Ueda K., et al. 2008. Mean retention time of digesta in the different segments of the equine hindgut. Anim Sci J, 79: 89-96.

Nadeau J.A., Andrews F.M. et al., 2000. Evaluation of diet as a cause of gatsric uilcers in horses. American Journal of Veterinary Research 61:784-790.

Shirazi-Beechey, S. 2008. Molecular insights into dietary induced colic in the horse. Equine Vet J , 40: 414-421.

Sjögren Y., Jenmalm M., Böttcher M., Björken B., Sverremark-Ekström E. 2009. Altered early infant gut microbiota in children developing allergy up to 5 years of age. Clin Exp Allergy 39: 518- 526.

Robertson Spearman K. 2004. Effect of Mannan Oligosaccharide (MOS) supplementation on the immune status of mares and their foals. Thesis for the Degree of Master Science, University of Florida, 1-63.

Zeyner, A. 2010. Evaluation of nutritional functional ingredients for improvement of digestive tract health and performance. Dans A. Ellis, A. Longland, M. Coenen, & N. Miraglia (Éds.), The impact of nutrition on health and welfare of horses. EAAP Publication n°128, pp. 254-265.